Petites et grandes histoires

Petites et grandes histoires

Déclin et renaissance : une courbe sinusoïde que le village du Beaucet a connu à plusieurs reprises. Depuis le Néolithique qui vit les premiers habitants s’installer
dans les grottes des falaises jusqu’à nos jours, le village a maintes fois changé de visage.
Village de garnison, village agricole, puis village déserté par l'exode rural, il est aujourd’hui bien vivant, fier de ses racines et de son patrimoine.

Les trois vallées de Saint-Gens, de l'Alouette et du Fraischamp, qui échancrent le bord du plateau de Vaucluse et qui forment aujourd'hui le territoire du Beaucet, possèdent une configuration spéciale,  naturellement propice à l'implantation de communautés humaines : elles sont toutes les trois parcourues par des cours d'eau, que viennent border des cavités de pied de falaises.

Les premiers Beaucétains, il y a 8000 ans

Ceci en fait des endroits tout indiqués pour que nos ancêtres du Néolithique abandonnent leur vie nomade, et décident de s'installer durablement dans ces grottes, de cultiver la terre et d’élever des troupeaux.

Ces tout-premiers Beaucétains ont d'ailleurs laissé quelques traces matérielles de leur installation, traces que les archéologues du XXème siècle ont retrouvées dans les abris sous roche, notamment ceux du Fraischamp : des silex, des poteries, ainsi que des sépultures à incinération, datant de -6000 à -4000 ans avant notre ère.

Que se passe-t-il ensuite au Beaucet ? Cela demeure un grand mystère, puisqu'on ne trouve plus ni trace archéologique, ni archive sur le village jusqu'au XIIème siècle !

Bien sûr, notre territoire et sa population ont dû connaître les mêmes évolutions que le reste de la région. On imagine bien le brassage avec d'autres peuples  -les celtes, les romains, les arabes- qui amènent dans leurs bagages de nouvelles coutumes, croyances, plantes et avancées technologiques. On imagine aussi  la structuration progressive du territoire, avec tout d'abord l'administration gallo-romaine, puis diocésaine après la christianisation de l'Empire, et enfin féodale avec l'installation de petits seigneurs locaux.

Contrairement à Saint-Didier et surtout à Venasque, où des implantations de "villa" et de sanctuaires gallo-romains sont attestées, rien de tout cela n'est présent au Beaucet.

On suppose néanmoins que les habitants ont quitté à un moment les fonds de vallées pour se réfugier en hauteur, phénomène tout à fait classique à la période celto-ligure (-700 à -200 avant notre ère). Les vestiges d'un oppidum seraient encore en place sur le plateau, du côté Nord de l'entrée du vallon de Saint-Gens, mais aucune étude archéologique n'a encore permis de confirmer l'existence à cet endroit de ce qui serait donc le premier village perché du Beaucet.

On sait aussi, d'après la tradition, que lorsque le jeune Gens vint vivre en ermite dans la vallée qui porte désormais son nom, vers 1120, celle-ci était déjà peuplée de plusieurs ermites, qui vivaient de prière et d'ascétisme, retirés dans les grottes. Sans doute, la source qui jaillit au fond du vallon était-elle l'objet d'un culte bien plus ancien, celto-ligure ou gallo-romain, comme à la Fontaine-de-Vaucluse toute proche, qui aurait été christianisé à la période paléochrétienne. Mais encore une fois, rien ne vient le prouver archéologiquement.

AU MOYEN ÂGE, LE VILLAGE SE FORME
AUTOUR DE L’ÉGLISE ET DU CHÂTEAU


La vie du Beaucet est mieux connue à partir du XIIème siècle. L'implantation de l'habitat s'est déplacée sur le site que nous lui connaissons aujourd'hui.

La raison en est la construction sur ce rocher d'un château et d'une église, autour desquels une communauté villageoise se reforme et va désormais se structurer, en bénéficiant d'une part de leur protection en cas de danger et d'autre part des revenus économiques liés à leur présence (le nom du village vient d’ailleurs de « baus », qui, dans la toponymie provençale, désigne un escarpement rocheux, celui qui supporte le village, l’église et le château).

Ces deux derniers édifices semblent avoir été bâtis à peu près au même moment, au tout début du XIIème siècle, le château par les Comtes de Toulouse, alors suzerains de la région, et l'église par les Bénédictins de la très puissante abbaye Saint-Victor de Marseille, qui possède et administre de nombreux prieurés ruraux de Provence.

L'histoire du village se confond pendant les siècles suivants avec celle du château et de son seigneur, au rythme des vicissitudes de la petite garnison chargée d'y monter la garde, tout d'abord pour le Comte de Toulouse, puis dès 1159 pour les évêques de Carpentras, qui conserveront les droits seigneuriaux jusqu'à la Révolution.

Le village s'émancipe toutefois partiellement de la tutelle du seigneur dès le milieu du XIIIème siècle, en se dotant d'une constitution réglementant la gestion des affaires communales par l'élection de consuls, les ancêtres des maires.

Exode rural, puis renaissance

Les guerres de religion éprouvent fortement le village : en 1573, le château résiste, mais le reste de la commune est dévasté par les Protestants.  Au XVIIème siècle, les évêques de Carpentras font quelques frais pour restaurer le château et installer les reliques de Saint Gens dans l'église.
Un siècle plus tard, ils renoncent à entretenir leur fief du Beaucet et le cède à François de Gualtéri, un noble de la cour pontificale, qui entreprend de grands travaux au château, pour transformer la caserne, au confort rudimentaire, en demeure pour lui et sa famille.

C'est dans la première moitié du XIXème siècle que la population augmente significativement (374 habitants en 1836). À cette période, la trilogie agricole blé-vigne-olivier, enrichie de la culture de la garance et de l'élevage des brebis et du ver à soie, met les villageois à l'abri de la disette, même si les cultures sèches en terrasses sont âprement gagnées par les paysans sur les collines. Les rues du centre ancien comptent alors de nombreux commerces et cafés.

Avec l'avènement de l'irrigation, à partir des années 1860, les jeunes du village partent se faire embaucher dans les grands domaines agricoles de la plaine. L'hémorragie se poursuit avec la première guerre mondiale, qui en fauche 9, puis la seconde guerre qui fait 3 victimes. Le Beaucet ne compte plus que 79 habitants en 1954.

Il faut attendre les années soixante-dix, avec d'une part l'adduction du réseau d'eau potable et du tout-à-l'égoût , et d'autre part le développement du tourisme et de l'automobile, pour voir le village se repeupler petit à petit.  C’est aujourd’hui un village de 360 habitants, à la population diverse : de jeunes couples avec enfants,  des cadres ou employés qui travaillent à la ville, des artistes, des retraités, ainsi que des résidents secondaires sensibles au charme du Beaucet.