Un village de pierre sèche

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Le Beaucet est un village de pierre. Pierre en ses odeurs chaudes d’été triomphant, pierre en ses falaises tutélaires qui n’ont que la garrigue sur les os.
Pierre qui témoigne aussi de l’entêtant travail de l’homme. Dès que l’on se promène aux alentours, les traces de ce passé rural affleurent  çà et là : 
les restanques, les aiguiers, les calades, 
et surtout les bories, dont il n’existe  pas moins de sept types différents sur le territoire de la commune.
Un patrimoine à protéger absolument.

L'usage de la pierre sèche, c'est-à-dire la mise en œuvre d’un ouvrage sans mortier, donc sans liant entre les pierres, est connu depuis la Préhistoire.

C’est un type de construction qui requiert un savoir-faire certain, les éléments devant être judicieusement croisés. Il faut trouver une place à chaque pierre et une pierre pour chaque place. En règle générale, le bloc employé est laissé à l'état brut, mais peut être toutefois sommairement retaillé. Les matériaux proviennent de l'épierrage des champs, du sol même du site de l'édifice, voire de la récupération des pierres d’un bâtiment en ruines. C'est donc un type de construction qui ne coûte rien.

 Une technique vieille comme le monde

Dans tout le bassin méditerranéen, cette technique séculaire était employée pour les architectures modestes  à usage d'habitation, et surtout pour les très nombreux ouvrages utilitaires qui émaillent les campagnes : cabanes abritant les outils ou les hommes en cas de pluies ou de forte chaleur, jas ou bergeries, murs d'enclos pour les troupeaux, calades, murs de soutènement des terrasses de culture (appelées "restanques" ou "bancaous")...

Au Beaucet, comme dans toute la Provence, l’apogée de la pierre sèche se situe au milieu du XVIIème siècle, lorsque la forte augmentation de la population pousse les éleveurs et les agriculteurs à étendre leurs activités sur les collines. A partir de l'avènement de l'irrigation de la plaine de Carpentras à Avignon, dans les années 1860, l’usage de la pierre sèche décline pour être presque totalement abandonné avec la mécanisation de l'agriculture dans les années 1960.

Grâce à l’association  "Pierre sèche en Vaucluse",  qui œuvre pour mieux faire connaître et restaurer les édifices en pierre sèche, un inventaire des ouvrages recensés au Beaucet a pu être dressé.

Parmi les constructions les plus fréquentes, on trouve d’abord  les murets d’enclos et les restanques qui, en s’opposant à l’érosion, ont permis la mise en culture des bois et garrigues. Puis les aiguiers, réservoirs et cuves destinés à la gestion de la précieuse eau. Enfin les cabanes des champs abritant un habitat temporaire ; elles sont souvent montées en « bories », la voûte du toit étant elle aussi en pierres sèches assemblées.

 Les bories,  mémoire de nos collines

Etranges cabanes de pierre que ces bories… On a répertorié plus de 300 dans les environs immédiats des trois villages de Venasque, Le Beaucet, La Roque sur Pernes.  On les appelait “Lou Bori” ce qui, en provençal, signifie simplement “cabane”.  Elles furent certainement des habitations à leurs origines, et le furent aussi au  XVII° et XVIII° lorsque les habitants des villes s’y réfugièrent pour fuir la peste, mais leur fonction  a été  avant tout utilitaire et pastorale.

Au cours de promenades et randonnées, vous serez surpris par la variété de forme et de taille qu’offrent les bories du Beaucet.   "Pierre sèche en Vaucluse" les a classées en 7 catégories.

  • Les guérites, qui sont de petits abris encastrés dans un mur (souvent ceux soutenant les restanques).
  • Les cabanes des champs, petite bories rondes ou rectangulaires servant d’abri agricole sur des terres cultivées ; certaines, reconnaissables à leurs multiples meurtrières, cachaient le guet des chasseurs.
  • Les grandes cabanes rectangulaires, bories longues de 5 à 20 m, avec parfois un petit étage en bois pouvant accueillir provisoirement une récolte de céréales, ou un berger lorsque les terres en jachère étaient pâturées.
  • Les cabanes complexes, bories qui peuvent avoir plusieurs pièces et de petits aménagements extérieurs : courettes, enclos, abris. Souvent éloignées du village, dans les garrigues hautes, ces bories indiquent par leur complexité un habitat temporaire, le temps de la moisson ou du parcours des troupeaux.
  • Les cabanes particulières, qui étaient affectées à une fonction spécifique (par exemple, une grange autour d’une aire de battage).
  • Les maisons ou bergeries troglodytes, abri sous roche utilisant une cavité naturelle du rocher, appelée aussi "baume". Il suffisait d’ériger une façade suffisamment en retrait de la voûte en surplomb et éventuellement deux murs en retour. Ils étaient utilisés comme habitat permanent ou comme bergerie.
  • Les cuves, bassins et citernes pour conserver l’eau ou le vin. Les aiguiers sont des citernes qui peuvent être couvertes d'une voûte en pierres pour garantir la qualité de l'eau en maintenant des températures fraîches, en empêchant l'évaporation et en évitant que les animaux ne s'y noient. Les cuves vinaires sont des citernes creusées dans la roche pour la fabrication du vin. Les cuves à vin blanc comportent un petit fouloir pour ne laisser que le jus dans la cuve, au contraire du vin rouge où on laissait macérer la grappe entière.

La grande majorité de ces ouvrages ont été construits entre 1750 et 1850 et il importe de les préserver. Le problème est que ces belles pierres anciennes suscitent des convoitises, notamment les murs en bordure de routes qui sont parfois pillés. Quant aux bories, souvent situées dans des lieux isolés, elles relèvent en outre de propriétaires privés qui n’ont pas tous la fibre patrimoniale.

Fort heureusement, la commune du Beaucet a choisi de préserver cet inestimable patrimoine. Son PLU prévoit que «pour tous les éléments issus du patrimoine agricole rural (…), la démolition et la récupération de leurs éléments constitutifs sont strictement interdits ». En clair, on ne peut plus voler ou détruire ces pierres qui appartiennent à tous. « La pierre est un dos fait pour porter le monde », disait un vers de Federico Garcia Lorca…

cONTACT

Association « Pierre sèche en Vaucluse », La Cornette, route du Pigeolet, 84800 Saumane. Mel : piersvaucluse@wanadoo.fr. Site : www.pierre-seche-en-vaucluse.fr

Association « Union APARE CME », 29 bd Paul Pons, 84800 L’Isle sur la Sorgue. Mel : accueil@apare-cme.eu. Site : www.apare-cme.eu

Clin d’œil insolite

Les hommes des cavernes… du XIX°

Habiter dans une grotte ou une maison semi-troglodyte ? Les vallées qui échancrent la bordure du plateau des monts de Vaucluse regorgent d'abris sous roche, sous lesquels des habitations ont été aménagées depuis le Néolithique.

Au Beaucet, dans les trois vallons de Saint-Gens, de Barbarenque et du Fraichamp, on trouve ces cavités naturelles, qui ont été recreusées par les hommes en tirant parti de la forme concave des surplombs rocheux, contre lesquels on a adossé des pièces d'habitation fermées par des façades maçonnées. À l'intérieur des pièces, la paroi rocheuse recèle quantité de traces d'aménagements mobiliers creusés par leurs habitants au fil des siècles : citernes, niches de rangement, banquettes, trous de poutre, etc.

Plus accueillantes que ces grottes aménagées, sont les maisons dont seul  le mur du fond est constitué par le rocher. On en voit un très bel exemple en montant le Chemin de l’Alouette : une quinzaine de maisons sont ainsi adossées à la falaise et n’ont que trois murs.

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